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Le jardin parfumé

   
Auteur : Nicole Boschung & Michèle Giraud
Editeur : Larousse, collection « Les pas à pas Larousse »
Date de dépôt : septembre 2009

L’arbre au caramel (Cercidiphyllum japonicum) doit son nom à son odeur de sucre brulé, de caramel rappelant le pain d’épices, la violette odorante fait la gloire de Toulouse (Haute-Garonne) et le pois de senteur « a une odeur de miel et de fleur d’oranger, légèrement animale ». Toutes ces plantes ont des noms évoquant leurs parfums et incitant à les employer dans un jardin afin d’éveiller davantage nos sens. Mais, il y en a bien davantage avec des notes parfumées des plus variées.

Fonctionnaire, Nicole Boschung est connue comme spécialiste du jardin parfumé. Elle est l’auteur, avec Michèle Giraud, pépiniériste chez Desmartis à Bergerac (Dordogne) et conseillère auprès d'architectes paysagistes, du livre « Le jardin parfumé, réalisez votre jardin de senteurs » (1999) primé en 2000 dans le cadre de l’attribution du « Prix Saint-Fiacre », prix annuel de littérature délivré depuis 1971 par l’association des journalistes du jardin et de l’horticulture (AJJH), mais aussi par le prix « Emile Gallé » (prix littéraire de la Société Centrale d'Horticulture de Nancy). Outre ces récompenses, ce livre est toujours considéré comme référence. Il paraît dans une nouvelle version cette année, dans le cadre de la collection « Les pas à pas Larousse » dont l’objectif est de mettre à portée de mains des conseils et repères simples pour accéder à la réussite dans le domaine du jardinage au moyen d’idées, de modèles, d’initiation aux gestes et de sélections de plantes, le tout étayé par une iconographie avec de nombreux gros plans. Ce livre rédigé en collaboration avec Jean-Claude Ellena, compositeur de parfums chez Hermès [notamment d’« Un jardin en Méditerranée » (2004) et d’« Un jardin sur le Nil » (2005)], et d’Henri Joseph, spécialiste des plantes tropicales odorantes, aromatiques et médicinales, est une invitation à la sensualité quand les vents parfumés viennent des jardins ou des arbres d’alignement jusqu’à nos narines. Pour prolonger ce plaisir, il suffit de passer à la pratique. Dans l’introduction intitulée « jardin et parfum », les auteurs dressent un historique rapide des jardins parfumés. Ainsi, elles rappellent que dans le domaine de l’horticulture, les années 1960 ont privilégié l’esthétique par rapport au parfum. Ce n’est que deux décennies plus tard que le parfum revient en force au sein de la production des roses et plus encore lors des années 1990. Le jury du concours de roses nouvelles de Bagatelle accorde même depuis 1984 le « Prix du parfum ». La tradition du jardin parfumé est plus ancienne puisque remontant à l’Antiquité et transmis` par l’Andalousie avec les roses, violettes, juliennes, jasmins et agrumes. Dans les parterres d’André Le Nôtre à Versailles* (Yvelines), œillets, narcisses, tulipes, tubéreuses mêlent leur parfum à ceux de plantes aromatiques, sans oublier le parfum des agrumes, myrtes et jasmins dans l’Orangerie. Au siècle suivant, le parc de Bagatelle* (Paris) abonde en glycines et azalées parfumés. Le parfum semble absent des jardins français depuis la première Guerre mondiale jusqu’aux années 1980. La prise en compte des non-voyants suscite alors le fleurissement de jardins parfumés ou des sens dans plusieurs villes. La perception du jardin prime alors sur son esthétique. Naissent ainsi des jardins où il fait bon aller prendre l’air et respirer à l’instar du jardin des Senteurs à Mulhouse (Haut-Rhin), de celui de Besançon (Doubs), du Labyrinthe - jardin des Cinq Sens ®* à Yvoire (Haute-Savoie), du jardin des Olfacties* à Coëx (Vendée), des Jardins Romans* à Varenne-l'Arconce (Saône-et-Loire), du jardin des Cinq sens dans le parc du Château à Pontoise (Val-d’Oise), de la bastide du Parfumeur à Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes) [devenue les jardins du Musée International de la Parfumerie (MIP)] et du jardin aux plantes parfumées La Bouichère* à Limoux (Aude). Encore plus loin de la métropole, deux lieux sont cités : « La Raymonderaie » à Gourbeyre (Guadeloupe) et au Portugal, Lugar do Olher Feliz (région de l’Alentejo). D’autres références concernent le jardin Serre de la Madone* à Menton (Alpes-Maritimes), le Clos du Peyronnet à Menton également, le jardin de la villa Boccanegra (Vintimille) et le parc et jardin Gilles de Trèves* à Ville-sur-Saulx (Meuse). Toutes les coordonnées de ces jardins sont regroupées dans le carnet d’adresses final avec beaucoup d’autres encore.

Il est à noter aussi l’étude menée par les paysagistes Arnaud Maurières et Eric Ossart avec le créateur de parfums Edmond Roudnitska ayant conduit au dégagement de quatre familles de parfums associées à quatre jardins-paysages distincts : hespéridées (jardin frais avec eau bruissante), fougère (garrigue et jardin méditerranéen), florale (exubérant aux effluves de rose, jasmin, genêt et tubéreuse) et chyprée (forêt aux odeurs fraîches de lichens et mousses).

Le corps principal de ce livre est composé d’un répertoire de 450 plantes au parfum diffusant dont les spécificités sont habilement mises en mots (odeurs fleuries, fruitées, boisées, anisées…), constituant l’essence même de l’ouvrage. Ainsi, le lecteur découvrira que les fleurs de Clematis armandii dégagent une superbe senteur sophistiquée de type fleuri-amande, que certains iris « sentent le lys, le chèvrefeuille, le muguet… », que la lavande et le lavandin n’ont pas le même parfum, que le lilas à un parfum évoquant l’enfance et que celui du lis belladone est « légèrement vanillé, proche de celui du lis, lourd et prégnant, il se dégage légèrement la nuit et peut même, à la longue devenir entêtant ». Le magnolia a une note de tête de bergamote, le mimosa dont « l’odeur poudrée rappelle la poudre de riz de nos grands-mères avec un accent de cire d’abeille », l’oranger du Mexique a « un parfum aux notes de vanille et d’amande », quant au parfum type des pivoines, c’est « un rosé frais lié à une légère note de muguet ». Bien sûr, le rosier occupe une place de choix dans le jardin parfumé, aussi quatre pages lui sont consacrées dans lesquelles plusieurs variétés sont sélectionnées à travers l’histoire depuis la Rosa moschata jusqu’à ‘Roseraie de l’Haÿ’, en passant par Rosa gallica, Rosa damascena, ‘Madame Alfred Carrière’ ou Rosa ‘Blairi numéro 2’ à l’exceptionnel parfum, sans oublier les variétés les plus parfumées choisies par André Eve. Toutes ces notes sont aussi pour certaines sublimées la nuit à l’instar du glaïeul d’Abyssinie (Acidanthera murielae), de la belle-de-nuit (Mirabilis jalapa), de la julienne des dames (Hesperis matronalis) dont le parfum est beaucoup plus puissant le soir, ou du galant de nuit (Cestrum nocturnum). D’autres odeurs sont parfois moins délicates comme celle de la sauge sclarée (Salvia sclarea) rappelant la sueur ou celle du cassissier, à l’étrange mélange d’accords fuités de fruits rouges et de pipi de chat, ou bien encore la note de crottin de cheval présente dans celle du Cestrum.

Classées suivant cinq chapitres chronologiques (printemps, été, automne, hiver et toute l’année), les plantes sont ainsi détaillées afin de faciliter un choix avant de passer à la plantation. Pour chaque fiche sont indiqués la saison du parfum, le nom, la manière de réussir la plantation, les espèces et variétés conseillées, sans oublier la description du parfum et une belle iconographie. Parfois de petites rubriques « bon à savoir » ou « histoire de plantes » donnent quelques informations utiles à l’instar des jeunes feuilles du tilleul pouvant se manger en salade ou encore des rameaux macérés du genêt d’Espagne (Spartium junceum) servant à fabriquer du cordage. Parfois, des jardins sont conseillés à visiter comme le jardin botanique Hanbury à La Mortola (Italie). Des portraits de femmes et d’hommes des jardins et parfums sont brièvement dressés comme ceux de Didier Misler [paysagiste ayant regroupé la plupart des seringats et pivoines doubles créés par Victor Lemoine et François Félix Crousse], Thierry Dronet [possédant dans le jardin de Berchigranges* à Granges-sur-Vologne (Vosges) une collection unique de 450 espèces et variétés de narcisses], Sophie Le Berre [spécialiste française de l'information et de la communication sur le monde végétal japonais] ou Jean-Marie Rey [pépiniériste à Hyères-les-Palmiers (Var) et possédant une collection de lauriers-roses].

Quatre pictogrammes définissent les parfums qui se répandent à distance, ceux qui se distinguent à proximité (dans le voisinage immédiat de la plante), ceux qui se laissent découvrir « le nez dessus » et ceux des feuilles (en général lorsqu’elles ont été froissées). A la lecture de ses fiches et surtout à celle des description des parfums, se faire sentir l’envie de planter des végétaux comme un brugmansia (Brugmansia), un camélia (Camellia), un cerisier d’ornement (Prunus), un chèvrefeuille grimpant ou arbustif (Lonicera), un clérodendron (Clerodendron), un éléagnus (Eleagnus), un faux acacia (Robinia), un forsythia blanc (Abeliophyllum distichum), un frangipanier (Plumeria), une giroflée ravenelle (Cheiranthus cheirii), une glycine (Wisteria), un hortensia paniculé (Hydrangea paniculata), un iris (Iris), une jacinthe (Hyacinthus), un jasmin (Jasminum), un jasmin étoilé (Trachelospermum jasminoides), un laurier-rose (Nerium oleander), un lys (Lilium), un mimosa (Acacia), un oranger du Mexique (Choisya ternata), un osmanthe (Osmanthus), un pélargonium, un pittosporum (Pittosporum), une pivoine, un réséda (Reseda odorata), une saponaire (Saponaria officinalis), une sarcocoque (Sacococca), une sauge (Salvia), un seringat (Philadelphus coronarius), un tilleul (Tilia), une tubéreuse à fleurs simples (« Graal des jardiniers au parfum » qui « courtise les papillons de nuit »), une viorne ou boule de neige (Viburnum)… Outre des fiches individuelles, certaines sont consacrées à des familles comme les méditerranéennes, les tropicales, les orchidées, les plantes de vérandas, les conifères comme le sapin de Douglas (Pseudotsuga menziessi) sentant la confiture en ébullition. Le goût et l’odorat étant en effet deux sens associés, le livre donne également des recettes telles que celle du thé à la menthe.

Ne pouvant suffire à référencer l’ensemble des plantes parfumées à accueillir au jardin, toutes ces fiches sont complétées par une liste d’autres plantes parfumées classés selon les thématiques de fleurs parfumées, aromatiques, méditerranéennes, tropicales et plantes d’eau. Pour planter, il n’est nul besoin de place importante, à l’instar de l’auteur Nicole Boschung qui cultive ses plantes dans son couloir et sur le balcon de son appartement parisien.

Les fiches de plantes sont pour certaines ponctuées de citations comme celles de Jean-Claude Ellena, de Théophile Gautier, d’André Gide, de Guy de Maupassant, d’Anna de Noailles, de Saâdi ou encore de Maurice Maeterlinck qui confie que « Le réséda se cache dans son laboratoire et distille en silence des parfums qui nous donnent un avant-goût de l’air que l’on respire au seuil du paradis. ». Des anecdotes historiques sont aussi à savourer comme celle de Napoléon qui conserva jusqu’à son dernier souffle une violette séchée offerte par Joséphine ou encore celle relatée par Saint-Simon au sujet des jardiniers de Louis XIV ayant fait venir d’Avignon (Vaucluse) 10 000 bulbes de tubéreuses qui, en raison de l’odeur intense de leurs fleurs, ont contraint la Cour et le roi à quitter en hâte le jardin de Trianon (Yvelines). Une autre anecdote concerne de la princesse Greta Sturdza (1915-2009), récemment disparue et qui a attendu 17 ans la première floraison du Magnolia dawsoniana dans son jardin du Vastérival* à Sainte-Marguerite-sur-Mer (Seine-Maritime). Il est aussi à rappeler la coutume de l’hanami (traditionnelle célébration au Japon de la floraison des cerisiers en pique-niquant sous leurs ombrages) qui se déroule également en France chaque année sous l’égide de cercles d’amitiés franco-japonaises au parc de Sceaux* (Hauts-de-Seine). Outre ces considérations historiques, il est noter que ce livre a aussi un côté militant écologique puisqu’il incite les jardiniers à prendre conscience de leur rôle pour préserver la biodiversité notamment en soutenant la démarche de l'association « Noé Conservation ». Par ailleurs, 4 plans de plantations (un par saison correspondant aux climats tempérés) d’un jardin type utilisent des plantes parfumées avec des renvois aux pages où figurent les fiches correspondantes.

Un très pratique carnet d’adresses regroupe les coordonnées y compris électroniques de paysagistes, concepteurs de jardins parfumées et spécialistes, sites Internet à consulter (dont celui du Conservatoire des Jardins et Paysages), jardins et conservatoires à visiter, fêtes et événements, pépiniéristes, fêtes des plantes et quelques lectures utiles sur les thèmes du jardin et du parfum. Parmi les jardins cités figurent notamment le jardin d'Anne-Marie à Lardy (Essonne), le jardin de Mille et une fleurs à Saint-Julien-de-Peyrolas (Gard), la roseraie d'André Eve* à Pithiviers (Loiret), celle de Berty* à Largentière (Ardèche), celle des Pommiers à Ruoms (Ardèche), les jardins de Castillon (Plantbessin)* à Castillon (Calvados), le jardin du Luxembourg* (Paris), Val Rahmeh, jardin botanique exotique* à Menton (Alpes-Maritimes), l’arboretum des Prés des Culands - Conservatoire national d’Ilex* à Meung-sur-Loire (Loiret), l’Herbarium des Remparts* à Saint-Valery-sur-Somme (Somme), le jardin Renaissance et parc paysager du château-promenade des parfums de Chamerolles* à Chilleurs-aux-bois (Loiret), le jardin floral du château de Digeon à Morvillers-Saint-Saturnin (Somme), les jardins de Maizicourt* (Somme), le parc Georges Brassens* (Paris)…En résumé, « Le jardin parfumé » est un livre qui fleure bon le jardin. Au-delà d’une simple sélection de plantes, c’est un recueil de descriptions de fragrances avec des références autant littéraires que géographiques. Avec de tels « arômes culturels », il incite à ne plus penser au jardin sans y associer les fragrances. Pour cette vision sensuelle, le Conservatoire des jardins et paysages lui accorde donc une belle « note de cœur ».

Il est à noter que dans la même collection « Les pas à pas Larousse », sont de paru simultanément les titres « Jardiner sans (trop) arroser » de Patricia Beucher et « Jardin bio facile » de Catherine Delvaux. Quant au même thème du jardin parfumé, il est aussi possible de se référer au livre « Jardin parfumé toute l’année » de Marie-Hélène Loaëc.

* Plus d’informations

Pour en savoir davantage sur les jardins cités dans cette notice, il suffit d’un simple clic sur les liens suivants :

Domaine de Versailles et de Trianon

Parc de Bagatelle

Le Labyrinthe - Jardin des Cinq Sens ®

Jardin des Olfacties

Les Jardins Romans

Jardin aux plantes parfumées La Bouichère

Jardin Serre de la Madone

Parc et jardin Gilles de Trèves

Jardin de Berchigranges

Jardin du Vastérival

Parc de Sceaux

Roseraie d'André Eve

Roseraie de Berty

Jardins de Castillon (Plantbessin)

Jardin du Luxembourg

Val Rahmeh, jardin botanique exotique

Arboretum des Prés des Culands - Conservatoire national d’Ilex

Herbarium des Remparts

Jardin Renaissance et parc paysager du château-promenade des parfums de Chamerolles

Jardins de Maizicourt

Parc Georges Brassens



© Conservatoire des Jardins et Paysages / avril 2010

 
160 pages - 9.00 €
     
   
   
   
 
   
 
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