Actualités des livres     
 

Materia, d'autres matériaux pour le jardin

   
Auteur : Alain Renouf & Patrick Genty
Photographies - Illustrations : Olivier Placet
Editeur : Le bec en l’air
Date de dépôt : juin 2009

Avec Materia, materiae (en latin « matériau, bois de construction ») comme titre, ce nouvel ouvrage plaide pour l’utilisation des matériaux au jardin mais n’en oublie par pour autant leur justification depuis que le jardin existe. A vrai dire, la palette végétale est une notion en réalité réductrice du jardin, car la place occupée par les matériaux y est tout autant prépondérante, « un complément utile et esthétique des végétaux ». Mais lesquels utiliser ? Ce livre est un des rares sur ce thème à proposer de faire un tour d’horizon des produits qui vont donner au jardin son caractère et sa propre identité, en rapport avec son jardinier ou son concepteur. Il s’intéresse en fait aux nombreux matériaux permettant d’éviter l’utilisation de produits manufacturés et par définition impersonnels. A partir de matériaux disponibles dans l’environnement proche ou directement issus de la nature, il est souvent aisé de les transformer pour créer des éléments aux qualités esthétiques et d’une grande durabilité, tout en maintenant voire en sollicitant la notion de plaisir au jardin tandis que parfois les produits manufacturés engendrent une certaine mélancolie. Ils prennent la forme de structures, filtres, écrans, contenants, paillages, circulations, mobiliers…

Pour proposer des utilisations originales et de qualité, les éditions « Le bec en l’air » publient cet ouvrage dans la même collection dans laquelle sont déjà parus deux autres volumes, « Calades, les sols de pierre » de René Sette et Fabienne Pavia et « Pierre sèche » de Pierre Coste, René Sette, Claire Cornu et Danièle Larcena. Il est dû à deux spécialistes du jardin. Alain Renouf, amoureux passionné des livres, ayant précédemment œuvré au centre de documentation de la Société Nationale d’Horticulture de France puis au centre de ressources du Festival international des jardins de Chaumont-sur-Loire* (Loir-et-Cher), est depuis 2004 libraire indépendant à Tours. Il est en effet le responsable de la pittoresque librairie « Lire au jardin », partenaire amical de notre association. Quant à Patrick Genty, il se définit lui-même comme un « jardinier gourmand de paysages et de savoir-faire ». Il est aussi un ancien de Chaumont-sur-Loire où il a œuvré à la mise en place du Festival des jardins. Il a créé avec Bruno Marmiroli le bureau d’étude paysagère, l’Atelier, lui permettant notamment d’expérimenter des matériaux, dans des festivals de jardins internationaux. Dans une démarche à la fois pédagogique et environnementale, il accompagne aujourd’hui le développement de jardins ouverts au public comme le potager du parc de la Gloriette à Tours (Indre-et-Loire) ou le jardin des Cimes à Passy (Haute-Savoie) où ont été prises plusieurs des photographies illustrant les pages de ce livre. Aujourd’hui, les deux auteurs de cet ouvrage sont intervenants au sein de CléOme, centre de formation 
et d'échange 
sur le paysage 
et les jardins, et militent pour que le jardin soit non seulement un lieu de culture, mais également un espace où l'humain occupe la place lui revenant. Leurs interventions s'orientent toujours vers des pratiques respectueuses de l'environnement.

Après un avant-propos militant sur l’emploi de matériaux utilisés dans le respect du paysage environnant et des matériaux locaux, le chapitre « De la terre au ciel » constitue une ébauche d’histoire des matériaux au jardin. Erudite, elle est basée sur des références bibliographiques et cinématographiques et traite au fil des siècles les trois dimensions : horizontale (les sols), verticale (les clôtures) et tridimensionnelle (constructions architecturées de treillages). L’importance de la couleur des matériaux de couverture de sol dans les parterres de broderies y est notamment soulignée. Cette histoire traverse le temps depuis la Rome antique, en passant par l’époque médiévale, le XVIIe siècle ou encore le temps des « Arts déco », sans oublier l’élaboration en 1981 de la charte de Florence par le comité international des jardins historiques Icomos-IFLA fixant des recommandations pour la sauvegarde des jardins historiques.

Pour chaque matériau considéré, sont repris origine, histoire et présentation, ses produits, sa fabrication et différentes réalisations dont certaines font toujours référence à l’instar pour le métal du célèbre Crystal palace de Sir Joseph Paxton (1801-1865) à Hyde park à Londres (Angleterre). Cette histoire continue à évoluer de nos jours comme le montrent les pages suivantes. Douze chapitres abordent successivement le châtaignier, le cèdre et le séquoia, la matière végétale et les végétaux vivants, la pierre, les aplats de matières (sable, gravier…), les schistes et les ardoises, la terre cuite, le paillage (et compagnie), le métal oxydé et la rouille, les « attrape-lumière » (verre), les trognes et le plessage et enfin la glane et le paysage (bois mort, pieux de vigne, brande de bruyère). Ainsi, le châtaignier se décline en gaulette, tuteur à tomates, piquet de clôture, tuteur à arbres, échalas, latte, feuillard, tressage, plessis, clôture… Les paillages sont réalisés à partir de broyat d’élagage, de BRF (bois raméal fragmenté dont les auteurs proposent de privilégier l’utilisation dans le cas de conditions climatiques difficiles), paille, feuilles, fougères, graviers, tuiles concassées… En fait, il suffit de regarder les matériaux à disposition, d’un peu d’imagination et d’habilité pour les transformer en cabanes, sièges, pots, gabions, cairns, jardinières, murets, pergolas, revêtements de sol, délimitation de chemins ou de massifs, ganivelles, ados de sable, pièges à limaces, étiquettes de végétaux, abris à insectes… Pour le lecteur en doutant encore, l’iconographie du livre peut aisément en convaincre. Elle est due, en grande partie, au photographe spécialiste de la lumière et des prises de vue en studio, Olivier Placet, sorti cette fois-ci de son atelier pour réaliser des prises de vue aux cadrages et angles inattendus adoptant un regard à la fois poétique et détaillé. Outre les réalisations des auteurs, il a immortalisé des réalisations glanées dans des jardins comme le parc Saint-Bernard et le jardin de la villa Noailles* à Hyères-les-Palmiers (Var), l’arboretum de la Petite Loiterie à Monthodon (Indre-et-Loire), les massifs de la ville de Marans (Charente-Maritime) [imaginés par Michel Gallais, le responsable du service espaces verts et environnement], Ryôan-ji à Kyôto (Japon), la Maison botanique de Boursay (Loir-et-Cher), et bien sûr le Festival international des jardins de Chaumont-sur-Loire. Ce dernier avec la région Centre et le gouvernement français, dans le cadre des chantiers « Mission 2000 », a contribué à la réalisation des Terrasses de la Nativité à Bethléem (Israël) en 1999. Cette succession de cinq terrasses de 2,50 à 3 mètres de haut épouse les courbes de niveaux et grâce à des murs de pierres sèches a permis à des citronniers, oliviers et autres arbres fruitiers de pousser. Ces murs sinueux structurent ainsi 5 000 m2 de terrasses qui sont aussi à l’honneur dans ce livre. C’est au sein de ce même festival de Chaumont, dans le cadre du thème « Libre ! » (2000), que Christophe Mallemouche, jardiner à la ville de Cahors et paysagiste autodidacte, a créé le jardin « La scène poisson » (2000) en hommage au film « Mon oncle » (1958) de Jacques Tati. Il est dans ce livre à l’honneur pour son jardin personnel ikedori (insertion du paysage environnant dans la composition du jardin lui-même) dans le Lot.

Les prises de vue mettent aussi en avant les sites de production comme les carrières d’extraction de l’ocre à Roussillon (Vaucluse), les mines d’ardoises de Trélazé (Maine-et-Loire) et les traditions locales comme les trognes ou le plessage.

Outre ces photographies, des croquis détaillés proposent de mieux comprendre le processus pour réaliser de ses mains terrasses en bois ou plessage. Le livre propose, photographies à l’appui, de fabriquer un treillage d’échalas en châtaignier, des pots en bois, des nichoirs, des murets en pierre sèche… Toujours grâce au principe d’un travail expliqué image par image, les gestes des jardiniers et des artisans (ardoisier, potier, maçon, vannier...) sont révélés.

Le livre s’achève par un utile carnet d’adresses avec des coordonnées de jardins, d’associations, de fabricants ou de distributeurs classés par matériaux et un glossaire depuis « A » comme aérobie jusqu’à « X » comme xérophyte, en passant par des termes comme autoclave, calepinage, fascine, gouet ou platelage.

Tel un manifeste, ce livre partant à la découverte poétique des matériaux naturels, met l’accent sur la beauté de la rouille ou de la luminosité hivernale qu’offre un brin de saule blanc fiché en terre ou bien encore les multiples possibilités offertes par le bois de châtaignier. Il valorise l’approche sensible de l’expression personnelle plutôt que l’achat sur catalogue en ou jardinerie, considérant le jardin « comme l’un des derniers espaces de liberté ». Un ouvrage finalement plus sensibilisateur que technique, à lire autant par les jardiniers particuliers que par ceux des espaces verts publics, qui met en avant la capacité personnelle de s’exprimer, de construire de ses propres mains au fil de citations dues à des auteurs tels que Robert Bourdu, Philippe Jaccottet, Maxime Le Forestier, Pierre Lieutaghi ou encore Jacques Simon. Assurément ce livre promis à un bel avenir devrait faire référence autant par son contenu que par son iconographie, réalisé par deux hommes du jardin qui ont rôdé leur expérience au Festival international des jardins de Chaumont-sur-Loire et au très réussi parc de la Gloriette, espace naturel de 120 hectares à découvrir in situ et dont le potager et ses différentes scènes fourmillent d’autres idées à piquer !

Il est à noter que dans cette même collection, doit paraître le 8 avril 2010 un nouveau volume intitulé "Peintures, recettes maison".

* Plus d’informations

Pour en savoir davantage sur les jardins cités dans cette notice, il suffit d’un simple clic sur les liens suivants :

Parc du château de Chaumont

Parc Saint-Bernard et jardin de la villa Noailles



© Conservatoire des Jardins et Paysages / octobre 2009

 
206 pages - 35.00 €
     
   
   
   
 
   
 
w