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La fabuleuse histoire des légumes

   
Auteur : Evelyne Bloch-Dano
Editeur : Grasset
Date de dépôt : mai 2008

Qu’y a-t-il de plus commun qu’un légume. Et bien pourtant après avoir lu ou plutôt dégusté « La fabuleuse histoire des légumes », ceux-ci ne seront plus vus de la même façon. L’agrégée de lettres modernes et journaliste au « Magazine littéraire » et à « Marie-Claire », Evelyne Bloch-Dano, s’attache en effet à rédiger un essai historique dont les héros sont onze légumes différents (cardon, artichaut, topinambour, chou, panais, carotte, petit pois, tomate, haricot, potiron et piment). Celle qui a écrit « Madame Zola » (1998) et « Madame Proust » (2004) est donc désormais « biographe » des légumes. Elle assure en 2006 un séminaire à l’Université populaire du goût d’Alençon (Orne) dans le cadre d’un chantier de réinsertion sociale « Jardins dans la ville » lancé par son ami et complice de longue date le philosophe Michel Onfray, qui préface d’ailleurs ce livre et dit d’elle qu’elle était « comme La Fontaine avec les animaux, elle donnait la parole à un panais, de la voix à une tomate ». Ses différentes interventions sont le point de départ de cette fabuleuse histoire des légumes.

C’est donc logiquement avec un peu d’histoire que commence ce livre, par des souvenirs d’enfance dans le potager lorrain de ses grands-parents, lorsque l’auteur, alors maigrichonne, était encore surnommée le « haricot vert ». Plus tard, d’autres jardins et un rebord de fenêtre se sont succédés. Mais d’une manière plus générale, l’auteur déambule dans les coulisses de l’histoire des hommes et de l’alimentation, avec une culture prenant de plus en plus le pas sur la nature, alors que la rencontre de ces deux notions est ô combien symbolisée par les légumes. Dans un style limpide, précis, érudit et avec humour, elle propose une approche très contemporaine, faisant autant allusion au message bien connu « 5 fruits et légumes par jour » qu’à la redécouverte des légumes oubliés.

Le livre d’Evelyne Bloch-Dano, passionnée par les maisons d'écrivains, ne pouvait donc être que ponctué de très beaux textes de grands auteurs comme « La salade » de Pierre de Ronsard, un extrait de « Bouvard et Pécuchet » de Gustave Flaubert, un autre du roman « Le ventre de Paris » d’Emile Zola ou bien « Le verger » d’Anna de Noailles ou encore un autre issu de la Bible. D’autres textes et des citations sont dus à Louis Aragon, Nicolas Boileau, Louis-Ferdinand Céline, Philippe Delerm, Jean de La Bruyère, Michel de Montaigne, Molière, Marcel Proust, Voltaire… Des auteurs sont parfois encore plus liés au monde de la gastronomie comme le jardinier Nicolas de Bonnefons, Jean Anthelme Brillat-Savarin, Jean-Baptiste de La Quintinie, Olivier de Serres… Des écrits célèbres sont cités dans des passages liés aux légumes comme « Le mesnagier de Paris » (1393), le « Grand dictionnaire de cuisine » (1873) d’Alexandre Dumas, « Jacquou le croquant » (1899) d'Eugène Le Roy ou les contes « La princesse au petit pois » de Hans Christian Andersen et « Cendrillon » de Charles Perrault, sans oublier « Gargantua » de Rabelais. Sur le plan des arts, les références concernent autant le cinéma [« La soupe aux choux » (1981) de Jean Girault…] ou la chanson française (Serge Gainsbourg, Michel Jonasz…). Sur le plan historique, les récits sont ponctués de références avec des personnages de la stature de Christophe Colomb, Catherine de Médicis ou Napoléon III. Les récits mêlent histoire du légume à celles du goût, de la littérature et de la botanique, histoire de l’art à celle de l’alimentation, avec des références aux légendes, traditions et usages, à la gastronomie, à l’étymologie et aux expressions populaires.

Grâce à Evelyne Bloch-Dano, il est rappelé ou précisé que l’artichaut était apprécié à la Renaissance pour ses vertus aphrodisiaques et adoré de Freud, que la tomate a été rapportée du Nouveau monde en Espagne par les conquistadors, que le potiron est la star du potager du château de Villandry* à Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire) et du Potager du Roi à Versailles* (Yvelines) [où la tomate n’a pas droit de cité] ou encore que la ratatouille et la pizza ne datent que de la fin du XIXe siècle alors que le ketchup daterait du début de ce même siècle. Mais cette aventure est aussi un voyage géographique passant par Krautergersheim (Bas-Rhin), capitale de la choucroute, ou encore Marly-le-Roi (Yvelines) où le petit pois était cultivé (‘Pois de Marly’).

Au fil des pages également, quelques recettes sont dévoilées dont la propre choucroute d’Evelyne Bloch-Dano, mais aussi la tarte d’herbes au mois de mai de Platine de Crémone (1421-1481) et les asperges aux petits pois d’Alexandre Dumas (1802-1870). Cet ouvrage épicurien bénéficie en outre d’une belle iconographie avec des reproductions de tableaux signés de Giuseppe Arcimboldo, Jean Siméon Chardin, Georges de La Tour… En annexe, figurent aussi les noms botaniques des légumes et surtout une précieuse bibliographie.

Le légume aurait-il donc un destin ? En tout cas, ce livre démontre qu’il est bien le meilleur lien existant entre nature et culture. Ce livre « à dévorer » a été primé du « Prix du roman Eugénie Brazier 2008 », du nom de la célèbre cuisinière Lyon (Rhône) qui décrocha par deux fois les trois étoiles du guide Michelin. A l’instigation de l’association « Les amis d’Eugénie Brazier », ce prix créé en 2007 a pour objectif de récompenser les auteurs perpétuant dans leurs écrits la transmission du patrimoine culinaire. Il reste cependant à déterminer si la place de ce livre est dans une bibliothèque, au jardin ou bien dans la cuisine.

* Plus d’informations

Pour en savoir davantage sur les jardins cités dans cette notice, il suffit d’un simple clic sur les liens suivants :

Parc du château de Villandry

Le Potager du Roi



© Conservatoire des Jardins et Paysages / novembre 2008

 
192 pages - 19.00 €
     
   
   
   
 
   
 
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