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Jardins partagés, utopie, écologie, conseils pratiques

   
Auteur : Laurence Baudelet, Frédérique Basset & Alice Le Roy
Editeur : Terre vivante
Date de dépôt : mai 2008

Dans le tissu très urbanisé de nos villes, est apparu depuis quelques années un nouveau type d’espaces particulièrement en vogue : les jardins partagés. Ils se nomment « Le Poireau agile », « Le Poteau rose », « Le jardin nomade » ou encore « L’îlot Lilas ». Véritable phénomène de société, que sont-ils donc ? Si la notion de « jardin » exprime bien celle d’un lieu où légumes et plantes sont semés, plantés et cultivés, celle de « partage » est encore plus primordiale car ici, échange et solidarité y sont les maîtres mots. Dans des espaces souvent de petites dimensions ou plus exactement à échelle humaine, des hommes et des femmes se sont approprié des parcelles de territoire pour y cultiver un lopin de terre, tout en renforçant des liens sociaux forts. Le phénomène dépasse largement la notion des traditionnels jardins familiaux (qualificatif remplaçant « ouvriers » depuis les années 1950). Des initiatives d’habitants de quartier ont donné naissance à des jardins et à de nouvelles communautés. Ainsi, avec ces jardins, les plantes ne sont pas les seules à prendre racines.

« Jardins partagés, utopie, écologie, conseils pratiques » est le premier livre en France à traiter de ce sujet et dresse un véritable état des lieux français à destination non seulement des particuliers, mais aussi aux institutionnels. Il est dû à des actrices de cette mouvance, qui ont soit déjà réalisé des reportages sur ce thème ou mieux encore constitué des jardins : Laurence Baudelet, ethno-urbaniste et co-fondatrice, chargée de mission au sein de l’association « Graine de jardin » en Ile-de-France, a reçu en 2008 pour cette région le « prix des femmes » du magazine « Version Femina » récompensant l’action de femmes s’investissant dans le domaine éducatif, social et environnemental avec une action sur le terrain, Frédérique Basset journaliste spécialisée dans les sujets de société et d’écologie, et enfin, Alice Le Roy, conseillère à la Mairie de Paris sur les questions d’environnement depuis 2001. A elles trois, elles ont réalisé un ouvrage qui fera référence grâce à son exhaustivité sur le sujet. Il est très documenté et étayé autant sur le plan historique que sur les exemples actuels choisis avec pertinence, que ce soit des initiatives clandestines ou au contraire très légalement cadrées avec des collectivités.

La préface est signée de Gilles Clément, jardinier, ingénieur horticole, paysagiste, écrivain et enseignant à l’Ecole nationale supérieure du paysage à Versailles (Yvelines). Dans ce contexte, il entend la notion de « partage » suivant deux acceptions : jardinier ensemble et diviser une surface en plusieurs parcelles. Il considère que la juxtaposition d’individus œuvrant ensemble est le propre des jardins partagés. Pour lui, « en multipliant le nombre et les surfaces des jardins dédiés à cette expérience unique, les villes établissent un nouveau mode de citoyenneté où le rapport à l’autre, débarrassé des hiérarchies, des calculs de bienséance et des luttes de pouvoir, s’ouvre sur un dialogue de nécessité face aux cloisonnements et aux exclusions ». Cette analyse pose bien le rôle social de ces jardins qui en justifie la multiplication en cours, voire leur utilité publique.

Dans le langage d’aujourd’hui, il y a des jardins communautaires, de proximité, collectifs d’habitants, de voisinage… En région parisienne, ils se dénomment plutôt « jardins partagés » dont les auteurs donnent la définition suivante « jardins collectifs ouverts sur leur quartier, cultivés par des habitants qui pratiquent un jardinage respectueux de l’environnement ».

Ce livre se compose de trois parties : semer (historique des jardins partagés et comment en créer un), cultiver (jardinage et citoyenneté) et récolter (production, programme et utopies jardinières). Comme beaucoup de personnes le savent, l’origine de ces jardins se trouve à la fois dans les jardins ouvriers imaginés par l’abbé Lemire (1853-1928), député du Nord et maire d’Hazebrouck [créateur en 1896 de la « Ligue Française du Coin de Terre et du Foyer » (LFCTF)] et dans les community gardens aux Etats-Unis et au Canada. C’est en effet sous l’impulsion de l’artiste Liz Christy (1945-1985), créatrice des Green Guerillas et qui lançait des « bombes de graines » par-dessus les palissades des terrains vagues, que le premier jardin communautaire est né à New York (Etats-Unis) en 1973. Il est cependant moins connu qu’en 1833 la société de Saint-Vincent-de-Paul développait le prêt de la terre pour les plus démunis et que, déjà au XVIIe siècle en Angleterre, refusant la réforme de Cromwell, Gerrard Winstanley et ses compagnons fondaient en 1649 une communauté agraire à Weybridge (Surrey), décrétant que les anciennes terres de la royauté sont bel et bien la propriété du peuple, un « trésor commun à tous ». Se créent alors les communautés non violentes des Piocheurs (Diggers) qui disparaîtront dès 1651. Cette histoire passe aussi par le familistère Godin à Guise (Aisne), imaginé vers 1860 par Jean-Baptiste André Godin (1817-1888) sur le modèle de « phalanstère », par lequel Charles Fourier (1772-1837) désigne l'habitation d’une communauté réunissant plusieurs familles. D’autres étapes sont mentionnées comme la « maison commune » des ouvriers citée dans « Le Juif errant » d’Eugène Sue (1844), le concept de la « cité-jardin » inventé par l’Anglais Ebenezer Howard (« Tomorrow, a peaceful path to real reform », 1898) ou la cité-jardin du Plessis-Robinson (Hauts-de-Seine), redessinée en 1991 par le paysagiste Jacques Simon, et surtout la naissance en 1997 du premier jardin communautaire à Lille (Nord).

Aujourd’hui, les expériences et sites français sont en liaison grâce à des structures organisées et surtout le « Jardin dans tous ses états » (JTSE), réseau français d'échanges entre les acteurs des jardins partagés, dont le correspondant national est Eric Prédine, promoteur du jardin comme lieu de résistance à la crise sociale et co-inventeur avec Jean-Paul Collaert du « jardin en carrés ». JTSE comporte parmi ses membres les réseaux « Les Jardins de Cocagne » (jardins maraîchers biologiques 
à vocation d'insertion 
sociale et professionnelle) et le « Réseau Ecole et Nature ».

Basé sur des témoignages et des exemples, ce livre donne les clefs pour tous ceux désirant créer un jardin partagé depuis la recherche du terrain jusqu’à l’animation de la communauté en passant par les différentes étapes du jardinage et de la reconnaissance juridique de la structure.

De nombreux exemples appuient les propos. C’est un tour d’horizon exhaustif du sujet non seulement géographique, à travers la France et le monde (Angleterre, Etats-Unis, Canada, Suisse…), mais aussi humain grâce au recueil de témoignages dont sont notamment extraites de petites citations de jardiniers glanées au cours de l’enquête et qui ponctuent l’ouvrage comme « Depuis que je jardine, je vais beaucoup moins chez le médecin. » [Gisèle du jardin de Pontanezen à Brest (Finistère)].

Au-delà des parcelles des jardins, d’autres aspects de ce jardinage citoyen sont abordés comme les pieds d’arbres plantés de fleurs tels ceux du Village Faidherbe (Paris, 11e arrondissement) qui, de par l’initiative personnelle d’un fleuriste, a fini par aboutir sur la signature avec la municipalité d’une Charte du fleurissement des pieds d’arbres. Cela démontre encore une fois cette nécessité autant sociale que vitale d’un retour à la nature dans une urbanisation à la densification galopante et la confirmation que la volonté peut parfois déplacer des montagnes.

Sur le plan du jardinage, les jardins partagés sont des sites où il est quotidiennement question de compost, BRF (Bois raméal fragmenté), purin d’ortie (recette fournie), récupération d’eau, biodiversité, accueil de la faune, toits, végétalisés, graines Kokopelli de variétés anciennes... Ils sont devenus des bastions phares du jardinage écologique. Sur le plan social, les notions de concertation, de communautarisme et d’insertion sont primordiales. L’élément le plus fondateur est le végétal avec qui la plupart du monde a une expérience sensorielle ou au moins un attachement naturel. Une fois en place, les jardins sont donc des lieux d’échanges, de solidarité indépendante des classes sociales car ils réunissent une mixité humaine s’exprimant dans des activités culturelles (apéros, repas, concerts, expositions, trocs de plantes…) et différentes formes d’expression artistique (sculptures, fresques, épouvantails…). Par ailleurs, ils sont aussi porteurs d’éducation à l’environnement (écoles, crèches, centres de loisirs…), à l’instar des jardins du béton Saint-Blaise** (Paris) où le jardinage se fait sur la terrasse d’un immeuble du 20e arrondissement.

Plusieurs personnalités sont aussi présentes dans cette analyse comme la sociologue Françoise Dubost (« Des jardins ordinaires », 1997), l’artiste botaniste Liliana Motta, l’infirmière Anne Ribes (« Toucher la terre, jardiner avec ceux qui souffrent », 2006) qui anime depuis 1997 un atelier de jardinage avec des enfants autistes à l’hôpital Pitié - Salpetrière (Paris), Paul Jovet (1896-1991 - chercheur au Muséum National d’Histoire Naturelle dont les travaux ont porté notamment sur la flore modeste des friches) et bien sûr Gilles Clément, déjà auteur de la préface et créateur du jardin d’eau et d’orties à Melle (Deux-Sèvres) au sein de l’arboretum le Chemin de la découverte*. Certains des thèmes étant chers à ce dernier sont développés dans l’ouvrage, comme la friche ou le concept du jardin en mouvement inspirant de nombreux responsables de jardins partagés.

Outre évoquer le sujet sur le plan historique, législatif, voire religieux, des thèmes pratiques sont aussi traités au fil du livre comme l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite ou encore le bienfondé de faire appel à un paysagiste comme cela s’est avéré utile à Paris au jardin « Papilles et papillons » (Lena Soffer) ou encore dans la résidence Charles Péguy à Gentilly (Val-de-Marne) où le paysagiste Charles Dard a intégré un jardin partagé dans son aménagement. Ce thème suscite dorénavant davantage d’intérêt au sein de cette profession. Le thème de 2008 du Festival international des jardins de Chaumont-sur-Loire* (Loir-et-Cher), « Des jardins en partage », en est d’ailleurs une démonstration.

L’iconographie de ce livre est également à souligner que ce soit les dessins mais surtout les photographies colorées témoignant de la vie de ces sites avec parfois des mobiliers hétéroclites, des tags, mais surtout des hommes et des femmes au milieu de leurs légumes et de leurs fleurs. Parfois pour dire « jardin partagé », est employé comme synonyme « jardin solidaire ». Ce nom provient du Jardin solidaire, le plus grand jardin partagé de Paris, qui a laissé sa place en 2005 à un gymnase. Durant la destinée de ce jardin aujourd’hui disparu, son initiateur Olivier Pinalie a rédigé un journal de bord dont trois extraits ponctuent ce livre. Cette chronique retrace l’histoire de ce jardin passé à la postérité, créé en 2000 sans autorisation sur une friche de 2500 m2 du 20e arrondissement, deux fois rasé, mais devenu cependant lieu d’amitié, d’éducation, et surtout le « symbole de l’autogestion et de la force de créativité des habitants ». Ces extraits constituent un témoignage permettant au lecteur de vivre au cœur de son extraordinaire aventure aux côtés de Marie-Hélène qui offre des plantes de sa pépinière familiale, Horace avec sa boîte de pétards au 14 juillet, Christine qui ratiboise les buddleias ou encore la visite du Potager du Roi à Versailles* (Yvelines). En effet, mieux qu’une lecture seule, il est impossible comprendre le fonctionnement, la vie et la richesse des jardins partagés sans s’en imprégner in situ, en poussant leurs portes pour les découvrir ainsi que leurs acteurs. C’est pourquoi le livre propose la liste des 35 jardins cités dans le livre établis sur des villes comme Bordeaux (Gironde), Brest (Finistère), La Ciotat (Bouches-du-Rhône), Lille (Nord), Lyon (Rhône), Marseille (Bouches-du-Rhône), Montpellier (Hérault), Nantes (Loire-Atlantique), Paris et Toulouse (Haute-Garonne). En région parisienne, les exemples choisis se situent à Morsang-sur-Orge (Essonne), Montreuil-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) et Gentilly (Val-de-Marne). Des adresses utiles pour démarrer un projet sont aussi communiquées en fin d’ouvrage. Parmi les sites les plus connus se remarquent les murs à pêches de Montreuil-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) où grâce à l’action d’une association, il est redonné vie à un site horticole de valeur historique. A Nantes (Loire-Atlantique), le parc potager de la Crapaudine, site original sans clôture et très fleuri, permet la pratique d’un jardinage biologique, l’observation de la nature, des actions pédagogiques tout en développant la convivialité.

Tous ces lieux démontrent combien les jardins partagés allient avec ferveur nature et culture.

Ce livre des éditions Terre vivante a été remarqué avec une mention « Jardins & cité » dans le cadre de l’attribution du « Prix Saint-Fiacre » 2008, prix annuel de littérature délivré depuis 1971 par l’association des journalistes du jardin et de l’horticulture (AJJH).

Il est à noter que selon les principes de démarche environnementale de Terre vivante, ce livre est imprimé sur du papier recyclé à 100 % et imprimé avec des encres à base d’huile végétale.

* Plus d’informations

Pour en savoir davantage sur les jardins cités dans cette notice, il suffit d’un simple clic sur les liens suivants :

Arboretum le Chemin de la découverte

Parc du château de Chaumont

Le Potager du Roi

** Pour en savoir davantage sur les jardins du béton Saint-Blaise, il suffit de visionner le film de TerreTv en cliquant sur le visuel dans la marge à droite.



© Conservatoire des Jardins et Paysages / novembre 2008

 
160 pages - 23.00 €

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Les jardins partagés
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Les jardins du béton Saint-Blaise
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