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Jardins créatifs Chaumont-sur-Loire, festival international des jardins 1992-2008

   
Auteur : Sophie Barbaux
Editeur : ICI Interface
Date de dépôt : septembre 2008

Le Festival international des jardins de Chaumont-sur-Loire* (Loir-et-Cher), fondé par Jean-Paul Pigeat (1946-2005), est devenu un lieu incontournable de la création de jardins avec tous les ans des idées novatrices et un concept original et généreux : « Venez piquer nos idées ». Son principe est de proposer chaque année 25 parcelles identiques de 240 m2 en forme de feuille de tulipier de Virginie (Liriodendron tulipifera), ceinturées de charmilles et comportant des jardins conçus suivant une thématique annuelle. Ce plan est l'œuvre du paysagiste belge Jacques Wirtz qui a ainsi transformé cette partie du domaine de Chaumont dénommée « jardin du Goualoup ». Chaque année, un jury sélectionne des lauréats à l'issue d'un appel à projet sur un thème annuel. Ainsi le festival devient un véritable laboratoire travaillant sur des problématiques très contemporaines. Le thème de 2008, « Des jardins en partage », en célébrant la vague et l’engouement des jardins collectifs de proximité dits « partagés », faisait preuve encore une fois des préoccupations contemporaines du festival.

Pour faire le bilan de ce laboratoire à ciel ouvert sur ce que sera le jardin de demain, les éditions Ici interface se sont rapprochées de la paysagiste Sophie Barbaux, pensionnaire du CENTQUATRE, nouvel établissement artistique de la Ville de Paris, lieu à la fois de création et de production artistique. Associée au designer Sébastien Wierinck, elle propose en ce lieu de créer, grandeur nature, une expérimentation portant sur le mobilier urbain et les différentes façons de s’asseoir dessus. Elle connaît surtout bien Chaumont pour y avoir réalisé en 2007 avec Julien Odile, Francis Cossu et Jean-Hugues Molcard le jardin « Beat végétation » lors de la 16e édition qui avait alors pour thème « Mobiles ! Des jardins pour un monde en mouvement ». Celui-ci dressait un clin d’œil à Jack Kerouac, figure de proue de la « Beat végétation ». Ainsi, au sein d’une allée de cannes de Provence, un « combi » Volkswagen avec un toit planté de chanvre (Cannabis sativa ‘Futura 75’) était arrêté par un paysage de pots de terre cuite évoquant les marchés africains et les temples indiens.

Dans cet ouvrage en versions bilingues (français et anglais ou anglais et chinois), Sophie Barbaux s’attache à analyser les jardins éphémères créés de 1992 à 2008. Dans un premier temps, elle dresse un rapide historique de la création de jardins à partir début du XXe siècle, époque où cet art semble figé entre les tendances dites « à l’anglaise » et « à la française ». Le courant moderniste bouscule un peu la création et notamment lors de l’exposition internationale des Arts décoratifs de 1925 avec les interventions remarquées de Le Corbusier, Robert Mallet-Stevens et Gabriel Guévrékian. Ce dernier créera en 1926 le jardin cubiste de la villa Noailles* à Hyères-les-Palmiers (Var) pour le vicomte Charles de Noailles. Après la seconde guerre mondiale, il faudra attendre les années 1970 pour assister à un « retour au jardin ». L’art des jardins est alors la transcription de préoccupations culturelles, politiques, environnementales, artistiques et technologiques. C’est dans ce contexte de renouveau créatif que la région Centre crée en 1992 le Conservatoire international des parcs et jardins et du paysage de Chaumont-sur-Loire sous l’impulsion de Jack Lang, alors à la fois maire de Blois et ministre de la culture et de la communication. La direction en est confiée à Jean-Paul Pigeat. Depuis, chaque année sur la base d’un concours thématique, concepteurs, artistes, services espaces verts de collectivités et étudiants proposent des créations originales, novatrices, militantes voire dérangeantes. Aujourd’hui, ce festival a fait école à l’étranger : festival de jardins de Westonbirt (Angleterre), festival des jardins de Ponte Lima (Portugal), festival des jardins Métis au Québec, festival des jardins de Cornerstone (Californie, Etats-Unis)…

Participant depuis 17 ans au renouveau de la création jardinière, le festival fourmille d'idées plus originales les unes que les autres. Au fil des éditions, différents thèmes ont été traités en lien avec l’actualité : « Le plaisir » (1992), « L’imagination dans la crise » (1993), « Acclimatations » (1994), « Jardin des curiosités » (1995), « La technique est-elle poétiquement correcte ? » (1996), « Que d’eau ! Que d’eau ! », (1997), « Ricochets » (1998), « Rien que des potagers ! » (1999), « Libre ! » (2000), « Mosaïculture et compagnie » (2001), « L’érotisme au jardin » (2002), « Mauvaise herbe ! » (2003), « Vive le chaos ! Ordre et désordre au jardin » (2004), « Les jardins ont de la mémoire » (2005), « Jouer au jardin » (2006), « Mobiles ! Des jardins pour un monde en mouvement » (2007), tandis que celui retenu pour 2009 est « Jardins de couleur ». Devenu un « must » de la création de jardins, le « Festival de Chaumont » attire à chacune de ses éditions de nombreux visiteurs avec beaucoup de fidèles venant découvrir des créations parfois dues à des concepteurs réputés comme les paysagistes américains Peter Walker et Mark Rudkin, le Japonais Fumiaki Takano, l’Espagnol Fernando Caruncho, les Français Hugues Peuvergne, Louis Benech ou encore le jardinier français Michel Gallais [responsable du service espaces verts et environnement de Marans (Charente-Maritime)]. Selon le principe originel du festival, tous ne sont pas issus d’un parcours lié aux jardins à l’instar du sculpteur Richard Di Rosa, de la comédienne et scénographe Macha Makeïeff, du réalisateur Peter Greenaway ou encore du metteur en scène américain Bob Wilson. Au cours de ces années, le festival a participé activement à la promotion de la richesse botanique qui tendait à disparaître, de l’évolution du fleurissement des espaces publics, de la redécouverte de légumes oubliés, de la nécessité d’économiser l’eau, des cultures hors sol, de l’artisanat, des trognes, du recyclage… Retraçant différentes idées de ces dix-sept festivals, Sophie Barbaux propose sept chapitres concernant le végétal, les complices du jardin (eau et lumière), le ciel et la terre, la structure et l’espace, le renouveau, l’interactivité (participation du visiteur) et l’écologie. Dans ces chapitres, plus de 140 jardins éphémères les plus emblématiques parmi les près de 400 réalisés sont mis à l’honneur sur des doubles pages. Celles-ci reprennent bien sûr le nom du jardin, ses concepteurs, l’édition du festival de sa création, tandis que le thème et sa réalisation sont détaillés. Des photographies, un petit plan de la parcelle concernée, parfois une perspective ou une maquette, rajoutent une dimension picturale et esthétique au texte permettant d’apprécier l’espace, son organisation et les plantes qui en constituent le décor. D’ailleurs, le chapitre voué au végétal dresse à juste raison la liste des principales plantes des jardins sélectionnés. Au fil des présentations de jardins, les utilisations de matériaux, parfois inattendues, se succèdent comme galets et calades, gabions, petites cuillères, coquilles d’escargot, miroirs, eau, gants de vaisselle, chaumes de bambou, disques laser, bois, verre, métal, calcin, toile, panneaux solaires, topiaires… Les jardins ont pris parfois l’aspect de potagers, de labyrinthes, de parterres de mosaïculture, de prairies… Certains aménagements se remarquent comme les seaux du jardin « La fontaine de Rouchka » de Michel Desvigne et Christine Dalnoky [France] (1992), les clôtures vivantes en osier tressé de « Saules tressés » de Judy et David Drew [Grande-Bretagne] (1995), l’arbre blanc en cage de « La volière blanche » d’Edouard François [France] (1996) ou encore les ombrelles du « Jardin d’ombres et ombelles » d’Agnès Daval, Tanguy Gwenaël et Marc Schoellen [France] (1996). Parmi les jardins les plus originaux, sont à apprécier « La scène poisson » de Christophe Mallemouche [France] (2000), « Réflexion dans une flaque d’eau » de Serge Mansau [France] (2001), « Marelle d’eau » de Pierre Luu et Christian Qui [France] (2006), « Toupillonnez ! » d’Anne-Marie Arbefeuille, Eliane Cumet (directrice de Pro Urba) et Gérard Pontet [France] (2006), « Feuilles de route » de l’Espace naturel Lille Métropole / Mosaïc, le jardin des cultures* à Houplin-Ancoisne (Nord) [France] (2007) ou encore « Le jardin poubelle » de Christine et Michel Péna [France] (2008). Au delà des jardins éphémères, le festival est aussi à apprécier pour son cadre comme « Le vallon des brumes » des jardiniers du Conservatoire et Patrick Blanc (2000), situé en contrebas du pont de l’arbre escalier en béton rustiqué, « Le sentier des fers sauvages » de Jean et Gaspard Lautrey (1998), sans oublier les massifs du festival.

La postface du livre démontre comment l’aventure se poursuit. En effet, l’ambitieux projet artistique du « domaine de Chaumont-sur-Loire, Centre d'arts et de nature » est dévoilé avec les invitations d’artistes renommés comme Jannis Kounellis, Andreas Gursky, Erik Samakh, Victoria Klotz, Rainer Gross… Les interventions des paysagistes français Alexandre Chemetoff, Michel Corajoud et Jacques Simon au sein du parc pour cette année 2008 sont détaillées une par une. Ainsi Alexandre Chemetoff, avec « Une parcelle en France, une parcelle de France », rend hommage à la Loire depuis la terrasse dominant le fleuve Loire, grâce à un rectangle de sable de la Loire et d’herbes en écho au paysage observé. Quant à Michel Corajoud, il réalise avec « Sept vues privilégiées sur le parc du château » des « fauteuils cabines » en osier tressé pour deux personnes devant le château afin de profiter à nouveau de sept lignes de point de vue apparaissant sur un plan d’Henri Duchêne qui a dessiné le parc à l'anglaise de Chaumont-sur-Loire en 1884. Enfin, avec « Confidences », Jacques Simon trace par fauchage au tracteur sur la prairie humide d’une centaine de mètres de large au bord de la Loire en contrebas du château, le mot « partage » et des dessins dont celui d’une sorte de tarte à huit parts, une manière d’évoquer la notion de partage, thème du festival en cette année 2008. Le livre s’achève par une annexe avec la liste des jardins et les coordonnées de leurs concepteurs.

Si certains voient dans le Festival international des jardins de Chaumont-sur-Loire, des délires de jardins parfois utopistes, ce site est bel et bien un lieu incontournable de l’histoire des jardins. D’ailleurs à la lecture de ces pages, la place du jardin au sein des arts est une évidence puisque s’y croisent des personnages comme les peintres Sandro Botticelli et Antoine Watteau, les musiciens Antonio Vivaldi et Maurice Ravel, les scientifiques Antoine Lavoisier et Albert Einstein, les sculpteurs Alexandre Calder et Jean Tinguely ou encore les écrivains Anton Tchekhov, Lewis Carroll et Rainer Maria Rilke. Un hommage est même rendu au paysagiste brésilien Roberto Burle Marx (1909-1994). Des œuvres sont aussi présentes en filigrane comme le livre de référence « Le songe de Poliphile » de Francesco Colonna (1499) ou le film « Mon oncle » (1958) de Jacques Tati. Des lieux de référence de l’histoire des jardins ont également leur place dans cet hommage à la création paysagère contemporaine comme les jardins suspendus de Babylone, les jardins de la villa d’Hadrien à Tivoli (Italie) ou ceux de Boboli à Florence (Italie). Sur le plan culturel, est même révélée la légende africaine du « Baobab qui pleure ». Bien que tous ces jardins soient éphémères, le Festival international des jardins de Chaumont-sur-Loire est assurément un lieu de créativité, d’inventivité, de rencontres et d’inspiration pour tous les jardiniers qu’ils soient amateurs ou professionnels.

Pour en savoir davantage sur ce festival et plus particulièrement la 17e édition du festival, il est utile de se reporter à « Des jardins en partage, festival international des jardins 2008 » et sur les activités du « domaine de Chaumont-sur-Loire, Centre d'arts et de nature » au nouveau hors-série de Connaissance des arts, « Le domaine de Chaumont-sur-Loire », référencés tous les deux au sein de ce même site Internet. Par ailleurs, il est à signaler que Sophie Barbaux travaille actuellement sur un prochain ouvrage ayant pour sujet les jardins écologiques et l'écologie en qualité de source de création dont la parution est prévue pour le printemps 2010, toujours aux éditions Ici interface. Il est d’ailleurs à noter deux autres ouvrages de ces mêmes éditions liés au thème de la création paysagère, « L’eau en forme et lumière » de Jean Max Llorca - JML Consultants et « Expression paysagère, création française » de Chien Chia-Ling, également présentés sur ce site.

* Plus d’informations

Pour en savoir davantage sur les jardins cités dans cette notice, il suffit d’un simple clic sur les liens suivants :

Parc du château de Chaumont

Parc Saint-Bernard et jardin de la villa Noailles

Mosaïc, le jardin des cultures



© Conservatoire des Jardins et Paysages / novembre 2008

 
320 pages - 46.00 €
     
   
   
   
 
   
 
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